Voyager avec la maladie de Crohn

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Certains d’entre vous ont peut-être une maladie chronique, comme la maladie de Crohn, et se demandent s’il est judicieux de voyager dans ces conditions. Même si chaque malade est unique, je vous livre ici mon expérience, en espérant qu’elle vous soit utile.

Mise à jour de 2018 : Un autre article est disponible sur le sujet avec des astuces pratiques. Voyager avec la maladie de Crohn – Trucs et astuces

Qu’est ce que la maladie de Crohn?

Crohn est une maladie auto immune qui touche le système digestif. Concrètement le système immunitaire attaque notre propre corps, causant une inflammation localisée. Son développement peut être plus au moins rapide selon les personnes. Aucun malade ne va être identique, c’est ce qui rend le diagnostique difficile. On ne guérit jamais de la maladie de Crohn. La plupart des gens touchés par cette maladie connaissent des périodes transitoires de crise et de rémission.

Je traîne cette maladie depuis 10 ans sans le savoir. Pendant longtemps, les médecins ont mis mes symptômes sur le compte du stress et du colon irritable. Il y a deux ans, j’ai eu de vives douleur abdominales. J’ai du me rendre à l’hôpital et c’est là que j’ai rencontré une spécialiste qui, pour la première fois, prenait mes symptômes au sérieux, a fait les tests nécessaires et a posé un vrai diagnostic. Pendant 8 ans, j’ai voyagé en étant malade sans le savoir. Cette année 2015 était donc un peu spéciale, car pour la première fois, je voyageais avec un diagnostique officiel et une médication à gérer.

J’ai quand même la chance de ne pas être à un stade avancé de la maladie. Depuis mon traitement, elle ne semble pas s’aggraver… ni vraiment s’améliorer d’ailleurs. Je n’ai pas eu de chirurgie. Je me considère comme privilégiée.

En quoi ça affecte le quotidien?

Puisque cette maladie touche le système digestif, elle me rend très sensible aux changements alimentaires. Ma santé intestinale est également touché en cas de changement de rythme de vie. Sans entrer dans les détails et pour tenter de le dire poétiquement, le besoin d’aller aux toilettes peut être urgent, incontrôlable et il n’est pas rare que je me retrouve avec un ventre gonflé. On m’a déjà demandé si j’étais enceinte!

Je dois être extrêmement vigilante quant à mon alimentation et à l’eau que je consomme.

Comme c’est une maladie auto immune, je dois prendre des immunosuppresseurs. Le système immunitaire étant supprimé, je dois régulièrement mettre à jour tous mes vaccins, incluant celui de la grippe. Par contre, avec ce traitement, il est impossible de me faire vacciner contre la fièvre jaune. Impossible donc de voyager dans certains pays, notamment d’Afrique. Je suis également plus sensible aux maladies opportunistes et aux virus.

Il existe deux type de traitement : les comprimés oraux et les perfusions. Pour ma part, je prends des immunosuppresseurs en comprimés. Les conséquences de ces traitements peuvent être graves si le suivi médical n’est pas approprié. Tous les 3 mois, je dois effectuer une prise de sang.

Avant le départ

Pour adapter ma prise de médicament au décalage horaire, j’avais deux solutions : soit, une semaine avant le départ, je décalais tous les jours d’une heure ma prise de comprimés ; soit je sautais directement une dose pour les prendre à l’heure habituelle une fois arrivée dans le pays de destination. Sachant que je manque d’assiduité pour décaler mes prises, que je suis un peu tête en l’air et complètement flippée à l’idée de faire un surdosage, j’ai opté pour la seconde solution.

Avant de partir au Vietnam, j’ai photocopié ma prescription et me la suis envoyée par courriel pour en avoir un exemplaire en cas de problème. J’ai également vérifié que ma carte bancaire assurait les frais de soin de santé et de rapatriement. Dans le cas contraire, j’aurai souscrit à une assurance.

J’ai commandé à la pharmacie 2 mois de médicaments. J’avais donc des comprimés d’avance au cas où il y aurait eu un pépin (retard de vol, prolongement de séjour, perte ou endommagement d’une partie des médicaments). J’ai emporté également une boîte de désinfectant d’eau qui finalement ne m’a pas servi, du paracétamol, des anti-nauséeux (pour les transports en avion, bateau et bus), de la Prednisone et des antibiotiques prescrits par mon gastro-entérologue et des lingettes nettoyantes biodégradables.

Même si j’avais voyagé auparavant avec la maladie sans savoir qui elle était et que j’avais eu à gérer des crises sur place, j’appréhendais un peu le départ. 1 mois dans un pays d’Asie du sud-est où l’état sanitaire est aléatoire… il y avait de quoi faire douter la crohnienne que je suis. Je considérais ce voyage comme un test qui allait conditionner mon avenir de voyageuse. Je devais à tout prix le réussir! Bref, je me suis mis la pression.

Pendant le voyage :

Il m’est arrivé d’avoir des crises pendant mes voyages précédents. Que ce soit au Japon, à Boston ou tout simplement chez moi au Québec ou en France, il y a toujours un moment où ce que je redoute le plus arrive. Heureusement, je peux compter sur la patience et le soutien de mon conjoint. On forme une super équipe. 🙂

Pendant mes déplacements, je garde toujours mes médicaments avec moi dans mon petit sac à dos ou mon sac à main. Toutes les boîtes sont réunies dans un sac étanche de type congélation pour éviter que les comprimés ne soient endommagés par l’eau ou l’humidité. À l’hôtel, je laisse mes traitements (avec mon matériel électronique) dans mon bagage à main roulant, fermé à clé.

Finalement, mon séjour au Vietnam s’est très bien passé. Je n’ai fait que trois crises sur le mois. Bien entendu, j’étais extrêmement vigilante. Je n’ai bu que de l’eau en bouteille ou purifiée. Avant les longs trajets de bus, je ne mangeais ni ne buvais. Je voulais être certaine que rien ne sortirait de ce corps au pire moment.

J’ai mangé des spécialités locales sans problèmes. Au début, je ne prenais que les plats légers à base de riz ou de nouilles sautées. Progressivement (après une semaine), j’ai commencé à varier un peu plus le choix de mes repas. L’avantage avec le Vietnam c’est que l’alimentation est très saine, sans gras, sans gluten etc. Mes intestins ont adoré. En fait, je ne me suis jamais aussi bien sentie, d’autant que je bougeais plus.

Au retour :

J’ai profité pendant plusieurs mois du répit que l’alimentation asiatique avait donné à mes intestins, même si j’ai repris mon régime alimentaire occidental (je bois très peu de lait et mange peu de viande).

Maintenant je sais que je peux voyager sans être un aimant à maladies et infections, sans faire de crises majeures en contrôlant mon alimentation et en prenant mon temps pour donner à mon corps l’opportunité de s’adapter à son nouveau rythme de vie.

Et vous, comment conjuguez-vous voyage et maladie?

12 Commentaires

  1. Bonjour, super article! As tu fait d autre voyages sur de longues durée? Je regarde pour faire un tour du monde mais, un peu peur justement de faire une crise ou de mal supporté la chaleur..

    • Merci Vincent pour ton commentaire. Je n’ai jamais voyagé plus d’un mois à la fois pour le moment. Pour un tour du monde il y a beaucoup de question à se poser : Peux-tu prendre avec toi plusieurs mois de ta médication à l’avance, la pharmacie l’autorise-elle et l’assurance maladie la rembourse -t-elle pour plus de 3 mois? pourras-tu te ravitailler facilement sur place, ou te le faire envoyer? Si C’est par perfusion, pourras-tu les faire partout? As-tu ou non une stomie à gérer? As-tu des prises de sang à faire, si oui est-ce facile de les faire à l’étranger? As-tu une bonne assurance médicaments, voyage et rapatriement?

      Si tu parviens à avoir des réponses n’hésite pas à écrire car le sujet m’intéresse et si tu pars, donne nous de tes nouvelles. Il n’y a pas beaucoup de témoignage de « Crohnien » tour-du-mondiste, et on en a besoin!

  2. bonjour Mathilde, merci beaucoup pour cet article, ce n’est pas facile de trouver des informations sur la façon de concilier voyages et traitements 🙂 Mon copain a la maladie de Crohn et suit un traitement par perfusion. On aimerait commencer des démarches pour s’expatrier au Canada, néanmoins nous aimerions en savoir plus sur la prise en charge du traitement avant de sauter le pas. Saurais tu où nous pourrions trouver des informations précises ? Ou qui contacter ? Merci infiniement par avance, Noémie et Gaetan

    • Bonjour Noémie et Gaétan,

      Effectivement les informations se font rares et bien souvent on apprend à concilier maladie et voyage grâce aux expériences plus ou moins réussies. Pour en savoir davantage sur le système de santé général du Québec, vous pouvez consulter notre article : https://www.omniterra.info/vivre-quebec-soins-de-sante/ et sur le site de la RAMQ.
      Toutefois, je dois bien avouer qu’il y a un gouffre entre la théorie du système et la réalité. Tout dépend du statut vous aurez en tant qu’expatriés. Sachez que le traitement par perfusion au Québec coûte près de 20 000$/an contrairement au traitement par comprimés (AZA) qui coûte environ 300$/an. Seuls les résidents permanents et les citoyens peuvent bénéficier d’une couverture de santé d’État et donc avoir leurs médicaments couverts par l’assurance maladie (avec un délai de carence de 3 mois pour les nouveaux arrivants pendant lesquels rien n’est remboursé). Les assurances privées au Québec ne couvrent pas toujours les personnes ayant des maladies chroniques. En plus elles exigent une preuve de stabilité médicale que vous devrez obtenir de votre médecin et, quand elles acceptent de vous couvrir finalement, leurs tarifs seront vus à la hausse et ne seront pas forcément avantageux. L’option reste de trouver un emploi qui offre des avantages sociaux tels qu’une assurance privée maladie. Mais ce ne sont pas tous les employeurs qui offrent ce genre d’avantage.
      Autre grosse difficulté : avoir un médecin de famille et pouvoir consulter un spécialiste. Vous devez vous inscrire sur la liste d’attente de votre CLSC pour obtenir un médecin de famille. Pour un Crohn l’attente peut durer 1 ou 2 ans. En attendant, vous devrez aller dans une clinique quelconque de votre quartier où il y a des consultations sans rendez-vous. Là, le médecin sera en mesure de vous référer à un gastroentérologue (attention pour un RDV chez un spécialiste prévoir plusieurs mois) qui sera, je crois, le seul en mesure de vous prescrire le traitement par perfusion. Donc avant de quitter la France, voyez avec votre médecin si vous pouvez avoir les injections à faire soi-même. De cette façon vous pourrez en prendre d’avance et vous les administrer le temps que vous fassiez vos démarches ici.

      Bon j’ai conscience que ça à l’air compliqué et décourageant… mais on finit par s’y faire en s’armant de patience.

      N’hésitez pas à nous ré-écrire pour nous dire comment s’est passé votre expatriation et votre traversée du système médical!

  3. Votre expérience donne tellement envie ❤️
    Ici je pense que je ne vis plus la maladie a pris totalement le dessus sur moi.
    Je vis avec la peur constante de ne pas trouver de toilette. J’ai peur des que je sors même dans ma ville je stresse je le demande comment je ferais si une crise surgit en plein centre je m’imagine des scénarios catastrophe du coup mes crises de panique le déclenchent des crises forcément :(.
    J’arrive à m’acomoder de la campagne car bon entre 2 portières ça me connait.
    Du coup j’ai peur je ne veux plus partir en vacances car les bouchons tout ça… Et si il y avait un accident qui nous bloqué plusieurs heures sur places?
    L’avion? Impensable ne l’ayant jamais pris je le fais tjs mes scénarios catastrophe .. ou allez au toilette entre l’embarquement et le décollage ?? Et si une diarrhée arrive dans un espace aussi confiné (ça sens pas la rose faut dire ).
    Bref j’ai 30 ans et je ne vis plus et je me sens tellement incomprise je n’en parle pas je prends sur moi… Refuser de faire des sorties canoë avec des amis car comment leur expliquer si j’ai une crise?? Je deviens complément folle je pense
    Merci pour votre témoignage en tout cas qui encourage à aller de l’avant.

    • Merci Phoenix d’avoir pris le temps de lire et commenter mon article. Malheureusement, le stress joue un grand rôle dans cette maladie qui s’en nourrit. Je pense que tu ne devrais pas cacher ton état à tes amis et, au contraire, leur expliquer. Non seulement tu pourras accepter de faire des activités avec eux mais en plus, tu pourras t’en faire des alliés en cas de crise. Personnellement, je ne cache plus ma maladie et j’en parle quand une situation m’y invite. Exemple : pour le travail, je dois faire des trajets Montréal-Québec (2h30 à 3h en voiture) avec mon boss et des collègues. Et bien, j’ai choisi de leur dire. Savoir que j’ai leur compréhension et bienveillance me soulage. Pareil pour mes amis.

      Pour le reste tout dépend de la fréquence et de l’intensité des crises. Toi seule est en mesure d’évaluer ton état et tes capacités à y faire face. Pour te rassurer : Les aéroports sont très bien équipés. Tu ne crains rien de ce côté là. Et une fois embarquée, tu peux aller aux toilettes dans l’avion. En gros, tu ne passeras pas 15 minutes sans toilettes. Dans un cas comme toi, si tu voulais essayer de voyager avec la maladie, je te conseillerai des pays très Nature, où il y a peu de gens et aucun problème sanitaire. Des endroits comme la Nouvelle-Zélande, le Canada, l’Irlande, la Scandinavie. Ou de cibler des petits séjours dans ton pays (que j’imagine être la France) pour gagner en confiance progressivement.

      En tous cas, je te souhaite beaucoup de courage et de cheminer vers la rémission!

      • Merci pour ta gentille réponse ❤️
        Oui je suis française 🙂
        J’envisage l’Écosse mais encore faut que je pose mes fesses dans l’avion
        Covoiturage pour moi impossible 🙁 le bus sans toilette pareil.
        J’espère vraiment trouver des solutions pour gérer mon stress car je suis sur que c’est moi qui me déclanche la plus part de mes crises 🙁 mais je suis rentrée dans un cercle sans fin j’ai l’impression.
        En tout cas ton témoignage redonné confiance en l’avenir ❤️
        Merci bonne continuation et de nombreux autres merveilleux voyages

        • Je te souhaite de trouver le meilleur moyen pour toi de concilier la maladie et le voyage. Parfois le voyage et l’aventure peuvent être à côté de chez toi! Teste-toi petit à petit et tu feras le grand saut plus tard.
          Comme le dit un proverbe africain que j’aime bien : On mange un éléphant une bouchée à la fois.

          Si jamais tu t’es lancée, repasse sur le blog pour nous partager ton expérience de Cronhienne voyageuse. 🙂

  4. J’espère vraiment revenir ici le cœur plus léger
    Je dois me faire opérer (rien à voir avec la maladie) mardi j’angoisse c’est affreux j’aimerais bien ne pas faire de crise sur le chemin du bloc .
    Je suis dépitée d’être tellement incomprise dans mes angoisses que c’est pire que tout
    Mais bon on va essayer d’être forte ❤️
    Merci et à bientôt

  5. Bonjour,
    Merci pour votre blog encourageant. Mon ami à la maladie de crohn et appréhende certains voyages. Je n’arrive même pas à le convaincre de faire une randonnée de quelques jours en france. Auriez-vous quelques conseils pour le rassurer et pour que tout le monde y trouve son plaisir?
    Merci d’avance !

    • Salut Anna!

      Comme je ne connais pas votre ami, je ne peux pas savoir ce qu’il appréhende exactement. Donc je vais faire une réponse assez générique, en espérant que ça vous aide tous les deux.

      Quand on a une maladie aussi peu glamour que la maladie de Crohn, on est vite honteux de notre état et surtout très stressé à l’idée qu’une crise survienne sans qu’on puisse la contrôler. Rapidement, on nourrit une peur de « l’extérieur » et si on le pouvait, on choisirait de ne plus sortir. Pourtant, pour limiter ses peurs et son stress, pour avoir un contrôle sur la maladie, il est primordiale de s’efforcer à sortir. Autrement on s’enferme rapidement dans un cercle vicieux de Crohn = peur = crise = peur, etc… C’est vraiment important que ton ami sorte de sa zone de confort, progressivement. Il peut, par exemple, commencer par de petites excursions dans sa région. Randonner sur des sentiers qu’il sait peu fréquentés. Il y a en a plein en France. Toujours avoir, bien entendu, un rouleau de papier toilette avec soi (c’est littéralement mon placebo). Et petit à petit, il va pouvoir élargir sa zone de confort. Aller plus loin, dans d’autres régions, sur d’autres sentiers, dans des petites villes, puis moyennes villes, puis à l’étranger… Dans les villes, avoir de la monnaie, pour pouvoir aller dans n’importe quel café en cas de besoin. Si le voyage que vous souhaitez faire se trouve dans une région plus touristique, je vous conseille de planifier votre excursion en basse saison pour être tranquilles. Bref tout est possible avec ces trois objectifs : Prendre confiance en soi, planifier et s’équiper/prévoir.

      Je pense sincèrement que dans un pays comme la France, il y a de quoi faire de beaux voyages tout en traînant la maladie avec soi.

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