Ça y est l’heure est venue. Le projet de réaliser le trek Laugavegur seul, que je muris depuis un an, va aboutir. Mon sac est prêt depuis quelques semaines, tout est planifié, il est enfin temps de partir à l’aventure.

Le trek Laugavegur est généralement réalisé à partir de Landmannalaugar, fini à Þórsmörk et se fait en 4 étapes de 12/15 kilomètres, soit environ 54 kilomètres au total. Il peut être prolongé de deux jours jusqu’à Skogafoss, 26 kilomètres de plus, soit 80 kilomètres en tout.

Le trek peut être fait à partir de fin-mai jusque début-septembre : avant et après ces date les conditions météo sont trop difficiles, les routes sont bloquées et les bus ne circulent plus jusqu’à Landmannalaugar. Même entre ces dates, en pleine été, la température dépasse rarement les 15° et il est possible d’être pris dans une tempête.

J’ai choisi de partir en fin de saison, début septembre, avec l’espoir de voir des aurores boréales. Plutôt que de partir de Landmannalaugar j’ai préféré faire le trek Laugavegur en ‘sens inverse’, c’est-à-dire depuis Skogafoss jusqu’à Landmannalaugar. Je me suis laissé six jours de marche, plus une journée flottante pour la découverte du Landmannalaugar ou en cas de mauvaise condition climatique.

J’ai fait le voyage seul et en autonomie, portant un sac de 16 kilos contenant mon équipement de camping, ma nourriture et tout autre équipement indispensable. Toute les infos pratiques sont dans l’article : Trek du Laugavegur – Infos pratiques

Jour 1 : Trajet Skogafoss – Fimmvorduhàls  (13 km, 6-7h, +900m)

Pour mon second séjour en Islande, l’arrivée à Keflavik se fait, une fois n’est pas coutume, sous le soleil. Après avoir récupéré mon sac et avoir changé un peu d’argent, je prends un flybus vers le camping de Reykjavik. Sur place, je paie pour une nuit, achète une cartouche de gaz, me renseigne sur le bus pour aller à Skogar, je prends un repas frugal et je me couche tôt pour être en forme pour attaquer le trek le lendemain.

8h. J’attrape le bus qui fait la liaison jusqu’au BSÍ Bus Terminal puis le second qui m’emmène à Skogafoss 4 heures plus tard. La cascade que j’avais vue lors de mon premier voyage en Islande est toujours aussi impérieuse. Il est temps de m’harnacher, mon appareil photo prêt à faire feu, et à fouler ce sentier qui m’a fait longtemps rêver.

“Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas.” disait Lao-Tseu. Le mien commence ici.

islande-trek-laugavegur-skogafoss-fimmvorduhals-1

La mise en jambe est rude dès les premiers pas : des escaliers mènent au sommet de la cascade où une horde de touristes admire le paysage. J’y croise deux Canadiens qui font le trek eux aussi et que je recroiserais tout le long du chemin.  La discussion permet de se ménager un peu. Nous traversons une clôture et nous éloignons du groupe de vacanciers. C’est ici que comment réellement le sentier où il ne reste que les trekkeurs.

La première moitié du sentier longe un fleuve bordé de verdure, ponctué de cascades, de petits ruisseaux et de moutons. Un pont plus ou moins en bon état au fil de la saison (il manquait un coté de rambarde quand je l’ai emprunté) permet de traverser le fleuve. D’ici le panorama s’ouvre jusqu’à la mer et permet de mesurer le chemin déjà parcouru.

Même si la seconde moitié du sentier est moins pentue, la fatigue se fait déjà sentir. Soudainement, comme si j’avais passé une frontière climatique, le paysage change. L’environnement se fait de plus en plus désertique, la verdure qui subsiste tourne davantage au jaune qu’au vert et aux alentours les glaciers se dressent de toute leur blancheur. Après 6 heures de marche je ne suis pas mécontent de croiser le premier refuge Baldvinns où je m’installe pour la nuit. Le refuge de Fimmvorduhàls, dont je distingue le toit rouge, se trouve à environ 1,5 km plus loin, à l’écart du sentier principal. Quand je pose ma tente sur les cailloux, la pluie commence à tomber. La gardienne du refuge nous laisse nous réchauffer et cuisiner à l’abri. La nuit tombant et la fatigue aidant je m’endors comme une masse à 20 heures.

Jour 2 : Trajet Fimmvorduhàls – Þórsmörk (Basar)  (13km 6-7h +200m / -600m)

Le lendemain, je rattrape le kilomètre non parcouru la veille, qui rejoint le refuge de Fimmvorduhàls, pour atteindre les 1100 mètres d’altitude. Le silence est assourdissant au cœur de ce paysage lunaire ponctué de plaques de glace. J’atteins le plateau appelé « Godaland », une zone prise entre les glaciers Eyjafjallajökull et Mýrdalsjökull, et quelques kilomètres plus loin je croise les cratères Magni et Móði, qui sont entrés en éruption en 2010. Un détour pour gravir ceux-ci s’impose. Ces monts faits de roche rouge offrent un superbe panorama à 360°.

À partir d’ici, ô joie de la descente ! Une descente raide avec une vue à couper le souffle sur un plateau rocheux comme déposé là dans le paysage. Le sentier coule jusqu’au plateau par un petit passage escarpé où des chaines sont fichées dans la roche pour nous aider à ne pas finir dans le ravin. Cette petite épreuve passée, le sentier traverse le plateau au bout duquel s’ouvre la vallée verdoyante de Thórsmörk entrecoupée d’une rivière. Paysage étonnant que celui où un désert rocheux fait place à une humide végétation.

D’ici le refuge est à vue, mais encore loin. La descente est douce et se boise au fur et à mesure. Je fais quelques détours et imite une famille islandaise en balade en mangeant des baies sauvages, sorte de myrtilles dont l’amertume témoigne d’un manque cruel de soleil.

Plus loin dans la vallée, je rejoins le refuge de Basar où je m’installe, à l’orée de la forêt, pour la nuit. La rivière toute proche m’offre un bon terrain de jeux avec ce soleil couchant dont la lumière dorée réfléchit sur le glacier au loin.

Jours 3 : Trajet Þórsmörk(Basar) – Emstrur (Botnar) (15km 6-7h +400m / -300m)

J’entame ma journée par la traversée de la rivière. Chaque année, un pont roulant y est installé en fonction du cours que prend l’eau à la fonte des glaces.

De l’autre côté se trouve un autre refuge. Là, il suffit de continuer tout droit vers la forêt, dans laquelle le sentier sillonne jusqu’au  premier gué du trek à traverser à pied. L’eau y est glaciale mais revigorante. Passé le gué, le chemin continue en côte douce dans la vallée de la Markarfljot faite de sable noir et de roche.

Après plusieurs kilomètres le sentier se retrouve enclavé entre la rivière Fremri-Emstruá et un promontoire rocheux. Au détour de celui-ci la vue domine sur le reste de la vallée. Ici les plantes d’un vert chartreuse, presque fluo, font concurrence à la noirceur des montagnes. Au loin le glacier qui alimente la rivière amène la touche finale à ce tableau riche en contrastes.

Le sentier longe la rivière et la rejoint. Je traverse un pont où la prudence est de mise : le passage est aussi escarpé que joli. Une fois le pont traversé, une montagne se dresse à mes pieds, ultime effort avant l’arrivée au refuge non loin. Il ne fut pas simple de trouver une place viable dans ce refuge à flanc de montagne ! Une fois installé, j’aperçois un promontoire et je me décide : je pars à l’attaque de cette nouvelle montée. La vue panoramique sur la vallée est superbe.

Jour 4 : Trajet Emstrur (Botnar) – Álftavatn (15km 6-7h +400m / -200m)

Une courte montée m’amène sur la plaine de Mælifellsandur. Commence alors un long parcours dans cette plaine lunaire. Le sentier chemine sur une grande étendue de sable et de roche noire, Les montages alentours sont tout aussi noires à l’exception des quelques jeunes pousses de lichen vert fluo à leurs sommets.

Au premier tiers de l’étape, je croise la rivière Innri-Emstruá, qui creuse sa route dans le basalte en cascade. On la traverse via un pont qui mène dans le Sandur, une autre plaine de sable tout aussi lunaire, mais moins noire et plus rocheuse.

Aux environs des deux tiers de l’étape je dois franchir un premier gué, le plus profond du trek. L’eau m’arrive aux genoux et elle est franchement glaciale. Un peu plus loin un pont, taillé dans un tronc d’arbre entier, enjambe une rivière et sa jolie cascade. Le sentier continue en se verdissant et rejoint le champ de lave de Hvannagilshraun. Tout près se trouve le refuge/ferme de Hvangil.

De là, le reste du sentier traverse un grande vallée verdoyante, parcourue de petit ruisseaux. Est-il possible d’imaginer changement plus radical avec la plaine de sable noir traversée dans la matinée ? Le second gué, peu profond, est plus facile à franchir. Très vite au détour d’une colline le refuge apparaît. Le coin est magnifique, le refuge se situe dans une prairie, au pied du lac Álftavatn, entre deux rangées de montagne.

Mon matériel installé, je gravis la montagne la plus proche du haut de laquelle je profite d’une vue imprenable sur la vallée et son lac d’un côté, et où je peux mesurer tout le chemin parcouru de l’autre.

islande-trek-laugavegur-emstrur-alftavatn-20

Jour 5 : Trajet Álftavatn – Hrafntinnusker (12km 4-5h +900m)

Les premiers kilomètres de cette 5ième journée de marche se font tranquillement dans la vallée. Les moutons paissent sans se soucier des randonneurs. Le sentier croise un gué que je traverse en sautant de roche en roche. Mais une fois de l’autre côté le sentier monte…et ça monte raide ! Les pauses me permettent de reprendre mon souffle et d’admirer la vue sur la vallée.

Une fois au sommet, une odeur de soufre pénètre dans mes narines, le sol fume de toute part et la roche se teinte de couleurs improbables, rouge, gris, bleu…et toujours ce noir volcanique parsemé de neige.

Le sentier s’adoucit, se perce de crevasses, longe une rivière puis se retrouve pris en étau dans un promontoire rocheux d’où l’on aperçoit au loin le refuge et une montagne couleur ocre. Devinant un sentier jusqu’au sommet de la montagne je décide de laisser mon paquetage (pas de voleurs ici) et de la gravir. L’effort supplémentaire est rude mais la vue y est à couper le souffle.

islande-trek-laugavegur-alftavatn-hrafntinnusker-23

Je reprends ma route et continue sur un long plateau sableux. Les crevasses que je dois franchir sont en partie remplies de plaques de glace sous lesquelles glissent des cours d’eau.

Le refuge est au cœur d’un champ d’obsidienne. Ces roches d’un noir profond et brillantes comme du verre sont incroyables. Perché à 1100m d’altitude, le refuge est en permanence battu par des vents violents. Pour se protéger de la tempête les voyageurs précédents ont construit des murs de fortune, en cercle, avec l’obsidienne. J’hérite donc d’un emplacement qui est tout confort avec sa mini table et ses deux tabourets improvisés en obsidienne !

Malheureusement ce confort ne s’étend pas jusqu’aux toilettes sèches qui, en dépit de leur entretien, dégagent une odeur pestilentielle.

À droite du refuge se dresse une montagne… Je n’y résiste pas et pars à son ascension. La ballade est courte mais la vue est vraiment belle et me permet d’évaluer le chemin qui m’attend le lendemain.

Jour 6 : Trajet Hrafntinnusker – Landmannalaugar (12km 4-5h -850m)

Le départ se fait sous une pluie battante ininterrompue. Le froid matinal transforme même quelques gouttes de pluie en fine neige. Le sentier s’étire dans un champ d’obsidienne puis se ponctue de crevasses et de vapeur bouillonnante.

Assez vite la vue se dégage sur les montagnes alentours qui, malgré le temps, offre encore une fois un spectacle de couleurs incroyables. La descente commence, elle est douce. Au loin, j’aperçois une immense coulée de lave. Il s’agit du champ de lave de Laugahraun… signe que le trek touche à sa fin. Le champ de lave, les fumerolles et, au loin, la montagne Blahnukur recouverte de cendres, me donne vraiment l’impression d’être arrivée en territoire Mordor !

Je continue ma descente jusqu’aux abords du champ de lave. Le sentier marque une limite presque surréaliste entre la lave et une immense prairie. Le contraste est superbe. Je pénètre dans le champ de lave où le sentier se perd, disparaissant entre le basalte, l’obsidienne et le lichen. J’atteins enfin le refuge de Landmannalaugar, ultime étape de mon périple.

islande-trek-laugavegur-hrafntinnusker-landmannalaugar-30

Jour 7 : Découverte de Landmannalaugar

Je consacre ma dernière journée à la découverte de Landmannalaugar. Je décide de reprendre le sentier du trek en sens inverse, les conditions climatiques de la veille m’ayant empêché de bien en profiter. Je retourne à la coulée de lave et je bifurque vers le sommet de Brennisteinsalda qui m’offre un panorama sur la vallée de Landmannalaugar, le sentier du trek et le sommet Sudurnamur.

Je poursuis en descendant par l’autre versant en direction de Sudurnamur. Pour l’atteindre, je traverse une grande plaine, sillonnée de ruisseaux et peuplée de moutons. Malheureusement, à mi-chemin, à mon grand désarroi, je suis contraint de faire demi-tour à cause d’un vent violent et de la pluie qui menace…

Je ne me laisse pas abattre. L’averse terminée et un bref repas pris, je pars en direction Blahnukur, montagne incroyable faite de cendres et de roches. Le sommet ne se livre pas facilement : la pente est rude et la cendre molle n’aide pas.  Mais une fois parvenu au somment, la vue est vraiment superbe ! L’Islande ne cesse de m’étonner avec ses panoramas fabuleux.  Les montagnes alentours ont des couleurs improbables et les vallées du Landmannalaugar s’étendent à perte de vue.

Jour 8 : Retour 

Je me lève à l’aube et décide de prendre mon courage à deux mains : direction la source chaude. Le trajet est glaçant mais la plongée dans l’eau chaude vaut bien ce sacrifice. À cette heure-ci il n’y a pas un chat, seules deux autres personnes partagent mon bain naturel. L’atmosphère est aussi bonne que l’eau. Les nuages bas mélangés aux vapeurs de la source qui se perd en contrebas dans le champ de lave voisin rend le tout mystique.

islande-trek-laugavegur-landmannalaugar-37Le temps de prendre une douche, un petit déjeuné et d’écrire ces lignes et il est déjà temps de faire mon sac et d’attendre le bus qui me conduira vers le chemin du retour.

Conclusion :

Pendant le trek j’ai donc : Marché 7 jours, parcouru 90 kilomètres, pris  600 photos, rencontré une dizaine de personnes, croisé des centaines, lu un livre, écouté zéro musique si ce n’est celle que je fredonnais et vu zéro aurore boréale… Mais que de souvenirs.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.